Vallet M., Compte-rendu des débats du 18 octobre 2022, 18 oct. 2022, Assemblée nationale
Monsieur le président,
Monsieur le ministre,
Mes chers collègues,
Mon camarade Jean-Pierre Sueur vous ayant exposé la position du groupe socialiste sur les grandes lignes du texte, je me concentrerai pour ma part sur l’article 7, qui impose aux cabinets de conseil travaillant pour l’État de bien vouloir, s’il vous plaît, employer la langue française dans leurs échanges avec l’administration et dans leurs documents.
Cet article est la traduction de l’une des recommandations de cette commission d’enquête, à laquelle j’ai participé avec plaisir. Grâce à elle, nous avons pu mesurer ce qui se passe dans les coulisses de ces marchés publics où, diapositive après diapositive, les cabinets offrent des solutions adéquates que les administrations ne sauraient trouver par elles-mêmes.
Pour mieux me faire comprendre par l’écosystème qui nous occupe et qui nous écoute peut-être, j’aurais pu dire que j’ai fait partie du board de la commission qui a mesuré, behind the scene, comment slide après slide les consultants juniors et seniors d’un même practice font des « propales » pour offrir les bons feedbacks et leskey learnings à leurs prospects publics.
Mes chers collègues, si comme moi vous n’entendez rien à ce sabir, rassurez-vous : la commission d’enquête a annexé à son rapport un glossaire du vocabulaire dont les cabinets de conseil inondent leurs clients – j’en remercie d’ailleurs la présidente Éliane Assassi. En revanche, inquiétez-vous de la situation qui a rendu ce glossaire malheureusement indispensable.
Lors de son audition, le PDG de La Poste a indiqué que le recours trop systématique aux cabinets de conseil faisait courir le risque d’un « nouveau conformisme », passant par la langue et conduisant à un appauvrissement de la pensée. Ce « globish », qui n’est même pas de l’anglais, est en réalité un instrument de formatage. Nombreux sont les fonctionnaires et les citoyens à en concevoir une souffrance certaine.
La France a un rapport à la puissance publique et à l’administration qui lui est propre ; Villers-Cotterêts n’est pas Wall Street. Or ce rapport ne peut être appréhendé par ces cadres de pensée d’outre-Atlantique. Ceux-ci correspondent parfaitement à la culture anglo-saxonne ; c’est une grande culture, mais ce n’est pas la nôtre et elle ne nous permet pas de développer souverainement notre propre vision de l’action publique.
La légère modification de la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dite Toubon, proposée dans ce texte ne saurait être résumée à une approche passéiste consistant à regretter le bon vieux temps de l’imparfait du subjonctif ou de la marine à voile.
Ce n’est pas non plus la recherche d’une langue pure, car une langue figée est une langue finie, fantasme morbide que je laisse aux réactionnaires. On doit accepter, avec gourmandise, l’intégration des mots étrangers ou nouveaux, lorsqu’ils recouvrent mieux que n’importe quel autre terme une réalité que notre langue ne décrit pas.
En revanche, lorsque le mot existe en français et, surtout – j’arrive au point essentiel –, lorsqu’il est parfaitement entendu de tous les citoyens, il doit être employé, afin que les gens se comprennent entre eux. C’est un impératif démocratique tout autant qu’un refus de l’entre soi.
Une récente étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc) sur le sujet rappelle l’« attachement manifeste à la langue, qui se décline à travers l’expression de la nécessité de services publics exemplaires sur le sujet ».
C’est ce qui est exprimé dans l’article 7 de la présente proposition de loi, dans un contexte dans lequel les gouvernements ne respectent, et de longue date, ni la loi Toubon, ni les dispositions réglementaires prises en application de celle-ci, ni les circulaires primo-ministérielles, qui s’imposent pourtant à l’administration. Les « Choose France », « French Tech », « Business France », « France Connect », « French Impact », « start-up nation », « bottom-up » et autres clusters sont autant d’agressions, qui creusent le fossé entre le peuple et ses représentants ; il faut en avoir conscience. Quand on est payé par le contribuable, on le sert dans sa langue et cela vaut tant pour l’administration que pour ses dirigeants et ses prestataires !
En février dernier, l’Académie française a publié un rapport sous-titré « Pour que les institutions françaises parlent français » ; nous en sommes rendus là… En juin dernier, le ministre québécois de la langue française en visite à Paris nous invitait avec émotion à ne pas laisser son gouvernement seul dans cette bataille ; nous devons l’entendre !
Nous avons ici une occasion, rare, de renforcer utilement la loi Toubon : saisissons-la, monsieur le ministre !
D’aucuns inscriraient sur leur slide de conclusion que c’est now or never qu’il faut réaffirmer ces principes linguistiques, mais, avec l’audace dont nous savons faire preuve au Sénat, sur toutes les travées, nous pouvons dire, beaucoup plus clairement, que c’est maintenant ou jamais !
Malhuret C., Projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire, 11 janv. 2022, Assemblée nationale
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes Chers collègues,
Contrairement à ce que prétendent depuis des mois les trafiquants de fake news, les résistants des boulevards, les has not been de la chanson française et les Sakharov de la dictature sanitaire, nous avons aujourd’hui trois certitudes :
1) Le vaccin empêche l’immense majorité des formes graves.
2) La probabilité d’un séjour en réanimation est dix fois supérieure chez les non-vaccinés.
3) Les services d’urgence sont remplis par la petite minorité, qui refuse la vaccination.
La conclusion est d’une simplicité biblique : il faut vacciner le plus de monde possible le plus vite possible. 92% des français l’ont compris. Pas les antivax. Depuis un an ils nous tannent avec leur « convaincre plutôt que contraindre », nous disent de faire de la pédagogie, de ne pas stigmatiser, eux qui stigmatisent tous les autres. Il faudra bientôt vacciner en cachette et raser les murs pour ne pas les déranger.
Eh bien nous n’allons pas raser les murs, nous allons répondre. Et d’abord aux politiciens aux abois qui essaient de se refaire la cerise, aux philosophes de comptoir qui confondent liberté et irresponsabilité, aux agités du télé-bocal, qui crient à la démocratie bafouée. Les Philippot, Asselineau, Le Pen, Dupont-Aignan ou Mélenchon, ce pacte germano-soviétique de la désinformation, ont été successivement pour la chloroquine, contre le vaccin, contre le pass sanitaire et maintenant contre le pass vaccinal, avec une infaillibilité absolue dans l’aveuglement. Ces amoureux des dictatures, il faut quand même qu’ils soient gonflés pour accuser le gouvernement et le parlement de prendre des mesures liberticides.
S’ils avaient été au pouvoir, la vaccination aurait perdu des mois. Et les morts auraient été bien plus nombreux, comme chez leurs amis Bolsonaro l’antivax ou Poutine et son vaccin inopérant réclamé à grands cris par Mélenchon et dont même les russes ne veulent pas. Les français n’auraient eu droit qu’aux remèdes bidons d’un gourou rocambolesque, validés par la Twitter school of medicine et la Facebook university. Ces stakhanovistes de l’erreur et du cynisme sont contre le pass vaccinal, pas pour préserver la santé de nos concitoyens mais pour récupérer les voix des extrémistes. Quoi que vous fassiez, Monsieur le Ministre, pour eux vous ferez mal. Je vous suggère une idée pour vacciner les 5 millions qui manquent à l’appel : interdisez le vaccin, ils exigeront que tout le monde se le fasse injecter.
Maintenant, ça suffit ! À 300 000 cas par jour, il est temps de répondre et il est aussi plus que temps de faire front. La démocratie, ce n’est pas s’agenouiller devant une minorité inconsciente qui peuple aujourd’hui les services d’urgence, qui fait pleurer de rage et d’épuisement les soignants voyant leurs lits remplis de patients qui n’auraient jamais dû s’y trouver et qui en chassent tous les autres. La démocratie ça ne consiste pas à écouter des rebelles de supermarché sauter comme des cabris avec leurs pancartes en criant : « Liberté ! ».
Des quinze ans de ma vie comme médecin dans les guerres ou les épidémies, j’ai tiré une leçon simple : ce sont les virus qui bafouent les libertés, pas les vaccins. Et si l’on ne prend pas les mesures qui s’imposent, c’est l’épidémie seule qui en décide, et toujours de la façon la plus violente et la plus létale.
Il faut donc, parce qu’il n’y a pas de liberté absolue, comme le disait Philippe Bas tout à l’heure, trouver l’équilibre entre des libertés contradictoires et prendre les bonnes décisions, même si elles ne plaisent pas à tous. C’est ce que vous nous proposez aujourd’hui, Monsieur le Ministre, et c’est ce que nous allons faire avec vous.
Oui, le pass vaccinal est une façon de pousser à la vaccination. Et pour tout dire l’idéal serait la vaccination obligatoire, comme il en existe onze autres sans que personne ne hurle à la tyrannie. Vous ne la proposez pas - attendez la fin, attendez la fin - parce que vous craignez que les boutefeux ne finissent par déchirer un pays exténué et parce qu’en démocratie il n’y a pas de moyen infaillible de l’imposer, et vous avez sans doute raison.
Alors va pour le pass vaccinal. Les offusqués professionnels diront que vous créez deux catégories de français, alors que ce sont eux qui se placent en marge et nous mettent en danger. Ils diront que vous les stigmatisez, alors que depuis un an ils traitent les vaccinés de moutons, les soignants de collabos, qu’ils saccagent les permanences des élus et les menacent de mort.
Mais nous allons poursuivre ensemble, calmement, la lutte contre l’épidémie. Malgré eux. Et avec l’immense majorité des français. Car en dépit des campagnes incessantes sur les réseaux antisociaux, les français ont montré une remarquable compréhension, une remarquable patience et une remarquable responsabilité. Malgré les intox la France est dans le peloton de tête des pays les plus vaccinés.
Les réseaux ont même eu une vertu : après deux ans de bobards, nos concitoyens ont fini, devant l’énormité des fake news, par se faire une solide opinion sur ceux qui les diffusent, et je préfère ne pas répéter ici les épithètes dont ils les gratifient. Quant aux discussions dans les repas de famille où se trouvait un antivax pendant les fêtes, elles ont vacciné définitivement des millions de français contre les absurdités. Et ce vaccin-là, par chance, il est d’une grande efficacité.
Couturier B., Woke, Cancel culture, gender studies… Assiste-t-on à une américanisation des idées ?, 4 oct. 2021, France culture
Aux États-Unis aujourd’hui, si vous parlez des Lumières "enlightenment", on vous dit que vous êtes raciste et que les Lumières ont servi à justifier, à théoriser, le colonialisme et l’esclavage. Ce qui est quand même un comble. Ou que la rationalité en tant que telle était une discipline blanche. Je veux dire, c’est quand même ça qu’on vient nous dire aujourd’hui. Ou même que les mathématiques doivent être décolonisées parce qu’elles sont racistes. Enfin, quand même, on perd la tête !
Les idéologies woke nous parviennent à travers des choses comme l'écriture inclusive - ce qui est une bêtise épouvantable - les études de genre, la pensée décoloniale, l'intersectionnalité des luttes et surtout la cancel culture, qui est sans doute l'aspect le plus méprisable de cette idéologie woke, puisqu’il s’agit en réalité de réécrire la totalité du passé en fonction des idéologies du présent.
L’origine du woke, c'est une origine française. Foucault leur a expliqué que tout discours de savoir était un discours de pouvoir. Ils ont lu Derrida, ils ont compris qu'il fallait déconstruire la culture occidentale parce qu'elle était profondément misogyne, raciste, coloniale, etc. Et ils ont lu Liotard qui se débarrassait - c’était toute une génération qui se débarrassait du marxisme - et qui, faisant le deuil de cette pensée totale qu’était le marxisme, en concluait que finalement, bien finalement tout se valait, que tous les discours, les grands discours théoriques du passé, qu'ils soient religieux, ou idéologiques n’avaient pas de valeur, et que, là encore, tout se valait. Donc c'est venu d’intellectuels français.
Dans une deuxième période - et ça c'est typiquement américain et c'est ce qui nous arrive seulement maintenant aujourd'hui en France - on a reconstitué bizarrement les savoirs, non pas sur des bases disciplinaires : anthropologie, sociologie, philosophie, histoire… mais sur des bases ethniques et sur des bases identitaires. C’est à dire qu'on a dit : il y a une culture noire, il y a une culture femme, féministe, une culture homosexuelle, etc, etc. une culture décoloniale… Et nous allons enfermer les gens dans ces cultures et nous allons faire des disciplines scientifiques à part entière.
Donc, d'un côté, vous avez la déconstruction et là vous avez une phase de reconstruction identitaire au contraire. Et cette reconstitution identitaire a été utilisé par des entrepreneurs identitaires, qui parlaient au nom de leur communauté, (disaient) qu'il fallait étudier leurs textes parce qu'ils étaient représentatifs de cette communauté et qui en ont fait des mouvements politiques. Et c’est là le danger le plus grave ! La politique des identités c'est enfermer les gens dans leur catégorie ethnique ou raciale, (les) monter les uns contre les autres dans un jeu à somme nulle, alors que la démocratie ce n'est pas un jeu à somme nulle ! C'est un jeu dans lequel les idéologies et les intérêts s’échangent, se combinent, dans lequel il peut y avoir un accord de principe.
L’identité, ce n'est pas négociable. On ne peut pas négocier son identité. On peut négocier le fait d'être un capitaliste ou un prolétaire, d’être un socialiste ou un libéral. Ça, ça peut donner lieu à une confrontation intéressante et productive. Mais quand vous dites, « je suis noir » ou « je suis femme », « je suis une femme homosexuelle noire et vous ne pouvez pas me comprendre parce que mon expérience est tellement particulière que je ne peux pas discuter avec vous » : la démocratie s’arrête.
Malhuret C., Projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire, 23 juil. 2021, Assemblée nationale
Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mes Chers Collègues,
En écoutant le sénateur Ravier à l’instant, j’ai vite compris que nous vivions sous le joug d’une dictature et que, sans une poignée d’héroïques résistants, nous ne nous en serions même pas aperçus. On nous a tous inoculé dès notre plus jeune âge le DT-coq-polio et depuis, Agnès Buzyn, cette autocrate, a rajouté huit vaccins obligatoires. Le carnet de vaccination, ancêtre du passe sanitaire, instaurait un contrôle généralisé de la population. Big brother avait décidé qu’aucun enfant, tenez-vous bien, ne pouvait entrer à l’école sans cet "ausweiss" pour parler comme notre collègue. Notre droit le plus sacré à choisir la maladie plutôt que l’immunité était bafoué depuis Pasteur. Les français eux-mêmes avaient intériorisé la servitude, pensant, comme Hobbes, que seul un Léviathan armé de seringues et d’aiguilles pouvait les sauver.
Heureusement, comme Zorro, Facebook et Twitter sont arrivés, permettant à une avant-garde éclairée de se regrouper contre le totalitarisme vaccinal. Après que, durant des années, 11 vaccins nous aient été injectés à l’insu de notre plein gré, au douzième, bingo, nos yeux se sont dessillés, grâce à ces combattants de la liberté qui ont eu le courage de nommer l’infâmie du passe sanitaire : "apartheid" pour Florian Philippot, "coup d’État" pour Asselineau, "discrimination généralisée" pour Coquerel, et ce soir "enfermement généralisé" pour Ravier ; "étoile jaune" ou "Shoah" pour les plus audacieux. En définitive, la meilleure preuve des progrès de l’humanité, c’est qu’en 2500 ans nous sommes passés de Socrate sur l’agora à Francis Lalanne sur Facebook.
Quel dommage que les réseaux sociaux n’aient pas existé plus tôt pour défendre contre les dictateurs de la piqûre la liberté de mourir en harmonie avec la nature et ses dons, parmi lesquels nos compagnons de toujours, la variole, la poliomyélite, la peste et le choléra qui ont permis aux plus grands auteurs, Camus, Giono, Thomas Mann ou d’autres, d’écrire les chefs-d’œuvres immortels de la littérature de pandémies.
La variole a disparu, le COVID, lui, a des chances de survivre grâce à tous les résistants numériques qui exigent le droit d’attraper le virus et de le combattre, comme les polonais de 40 contre les chars soviétiques, à la seule force de leurs poitrines et de leurs mains nues, et le seul secours de l’hydroxychloroquine, elle aussi parfois renforcée par un médicament redécouvert : le Ricard. Les anciens mouraient le poing levé sur les barricades en chantant l’Internationale, nos héros sont prêts à mourir le poing levé dans les discothèques au son de Staying Alive.
Comment ne pas admirer cette députée ayant fait le choix cornélien de fausser compagnie à la majorité sans laquelle elle n’aurait jamais été élue et de haranguer, telle la liberté guidant le peuple, les foules de résistants à la dictature sanitaire en les invitant, comme Henri IV, à se rallier à son panache blond et d’envahir les permanences de ses collègues favorables au passe sanitaire.
Je voudrais, très sérieusement cette fois, implorer qu’on veuille bien cesser cette mauvaise querelle sur les libertés. Ce n’est pas le gouvernement, le pouvoir médical ou les partisans de la vaccination obligatoire qui les restreignent, c’est la pandémie. Loin d’être un viol de notre liberté, les mesures annoncées sont les conditions de son rétablissement.
Vaccination accélérée ou confinement dans deux mois, voilà l’alternative qu’ont très bien comprise la grande majorité des français, qui réalisent que c’est en bornant quelques libertés aujourd’hui qu’on a une chance d’en sauver de bien plus précieuses en septembre. C’est donc ce que nous allons faire et ce choix ne fait pas du Président un dictateur mais un décideur. Il ne fait pas du Parlement un rassemblement de tyrans mais une assemblée de responsables.
Cette décision est-elle difficile ? Elle est au contraire limpide. Le vaccin est une prouesse scientifique que des milliards d’êtres humains attendent désespérément d’obtenir. Quel gouvernement serait assez irresponsable pour ne pas le proposer à tous, le plus vite possible et protéger en attendant ceux qui ne le sont pas encore ?
Il ne reste donc que des questions de méthode, ce qui ne les rend pas plus simples pour autant.
Et d’abord fallait-il choisir la vaccination obligatoire pour tous ou le durcissement du passe sanitaire ? Lapremière solution a l’avantage de nombreux précédents et de la simplicité du message. Son inconvénient est de ne pouvoir être achevée avant plusieurs mois alors que le temps presse. L’épidémie flambe de manière exponentielle. Les chinois viennent de découvrir que la charge virale du variant delta est mille fois supérieure à celle des variants précédents. Et nous serons dans quelques jours à 40 000 ou 50 000 cas quotidiens.
Le gouvernement a choisi le passe sanitaire, estimant qu’il sera mieux accepté et surtout qu’il est d’application immédiate, et enfin qu’il n’exclut pas, le cas échéant, la première solution.
Si l’on se rallie à cette stratégie, et c’est mon cas, il nous reste donc à en préciser les contours. Les rédacteurs du texte initial, pensant sans doute que pour parler fort il faut avoir un gros bâton, ont eu la main lourde. Le Conseil d’Etat a déjà freiné quelques ardeurs sur le montant des amendes ou le droit du travail. Nous devons apporter notre pierre à l’édifice et, en tant qu’élus proches du terrain, faire en sorte que le passe ne soit pas la première étape de notre plan de relance industrielle : la relance de la production de paperasserie. Et éviter par exemple que les terrasses de café ne se transforment en rings de boxe et que le train de 8h47 n’ajoute pas deux heures à ses retards habituels pour cause de vérification. En matière de protocole, Courteline n’est jamais loin.
La vaccination pour tous, c’est la liberté pour tous. Les droits de chacun doivent être respectés, les contraintes excessives évitées. Mais à condition de ne pas mettre en danger la santé d’autrui et de ne pas oublier que le corollaire de la liberté c’est la responsabilité.
Sarkozy N., Rencontre des entrepreneurs de France, 19 sept. 2019, Mouvement des entreprises de France
Ecoutez, je suis né en 1955. J'ai 64 ans. Quand je suis né, c’était pas il y a si longtemps quand même, il y avait deux milliards et demi d’habitants. Deux milliards et demi d’habitants. Sur moins de la vie d'un homme, la population mondiale a été multipliée par trois. C’est… incroyable !
Dans trente ans, nous serons neuf milliards. À la fin du siècle, nous serons onze milliards. Mais c’est fait. C’est à dire que, quoi que nous décidions, c'est fait. Donc, le choc n’est pas un choc climatique. Il y a un dérèglement climatique évident, auquel il faut apporter une réponse. Mais le plus grand choc mondial c’est le choc démographique. Des dérèglements climatiques, le monde en a connu, qui ont conduit à la disparition de 80% des espèces du vivant. Ce n’est pas pour ça qu’il ne faut rien faire, au contraire, il faut faire ! Mais un choc démographique comme celui que nous sommes en train de vivre, le monde ne l’a jamais connu. Jamais.
Dans trente ans, le Nigéria aura plus d'habitants que les États-Unis d’Amérique. Au plus court, la Méditerranée c'est 780 km. On va passer de un milliard deux cent millions d'africains à deux millards et demi. Donc, je dis : la crise migratoire n'a pas commencé. Elle n'a pas commencé. Elle est à venir. Alors on peut refuser ça, si on veut. Comprenez-moi. C'est d'ailleurs la première source de pollution entre parenthèse. Parce que, vouloir promouvoir le développement durable, sans poser la question de l’explosion de la démographie mondiale, ça n'a aucun sens.
Je ne sais pas si vous avez été à Lagos, qui n’est même pas la capitale du Nigeria. Vingt deux millions d’habitants. Donc, si vous pensez qu'avec le tri sélectif, on va régler le problème de Lagos, c'est que vous n'y avez pas encore été à Lagos. Ma voisine dit « ça aidera ». Certainement. Mais je voudrais vous dire une chose. Vingt deux millions de gens qui consomment bien ça fait plus de dégâts qu’un million qui consomment mal.
J’ajoute qu’on me dit que l'avenir est à la voiture électrique. Alors tout le monde : « la voiture électrique, la voiture électrique, formidable ! Formidable ! ». Puis d’abord, il faut faire attention à ce qu’on dit, puisqu’on ne plus rien dire. Mais je pose quand même une question : la voiture électrique elle consomme de l’électricité ? L’électricité il faut la produire. Et donc, on a l’Allemagne qui va rouvrir toutes ses mines de charbon, pour produire de l’électricité.
Il y avait un ministre de l’écologie là, dont j'ai oublié le nom… Qui dans la même journée a dit, avec l’autorité… « Dans dix ans il n’y aura plus que des voiture électriques ! ». Ah, très bien… Et tout le monde t’applaudir. « Et dans dix ans on aura fermé la moitié des centrales nucléaires ! ». (rires) Parce que naturellement que les voiture électriques n’ont pas besoin d’électricité, c'est bien connu.
Le sujet démographique est un sujet monumental, tectonique. Et savez-vous qu'il n'y a pas un organisme international qui suit l’évolution de la population mondiale. Il y a, en matière d’agriculture, une dizaine d’organisations internationales. Est-ce que ne vous pensez pas qu'il conviendrait, de toute urgence, de poser les bases d'une organisation mondiale qui suivrait l'évolution de la démographie mondiale ? Je ne suis pas du tout pour dire qu’il faut un contrôle des naissances. Mais au moins, il faut prendre conscience du problème et essayer de le traiter. Déjà qu’on essaye d’avoir des éléments statistiques viables.
Les chinois - et on ne peut pas leur donner tort, ils n’ont plus les moyens de payer leurs retraites - viennent de décider qu’on ne mettrait plus en place la politique du « un enfant ». En Afrique subsaharienne, la moyenne d'enfant par femme est de l’ordre de cinq. Donc si on agit pas très rapidement, on va au-devant d'une catastrophe extravagante. La question : combien d'êtres humains peuvent-ils vivre en même temps sur cette planète ? C’est un sujet…
J’entends bien les difficultés, le désir d'avoir des enfants, ce que ça peut représenter. Mais, est-ce qu'on ne voit pas que, toutes les espèces du vivant, un jour, ont vocation à disparaître par surpopulation ou par appauvrissement des ressources ? Et, est-ce qu'on pense que, pour nous, les humains, ça ne se posera pas ? Et je suis assez fasciné de voir, à juste titre, la discussion sur le climat et la gêne quand on discute de l'évolution de la démographie mondiale.
Alors je vois cette jeune suédoise si sympathique et si souriante. (tousse) Et tellement originale dans sa pensée… Mais, la question de cet organisme qui suivrait l'évolution de la démographie mondiale, de la réflexion que nous les occidentaux on doit avoir avant les autres, parce que l’écart entre nous et l’Asie, non seulement ne s’arrête pas, mais croît encore. Aujourd’hui c'est quatre milliards huit cent millions, mais demain ça sera bien plus !
Et dans la foulée, je pense que l'Europe doit, de toute urgence, se réunir avec l’Afrique pour décider d'un plan d’infrastructure monumental en Afrique, pour essayer d'augmenter le niveau de vie de l’Afrique. Parce qu’il semble, je dis il semble, qu’il ai une corrélation entre le niveau de développement et l’explosion de la démographie. Il semble. Enfin, en tous cas, c’est ce qu’un certain nombre de gens disent.
Et c'est vraiment les sujets passionnants de demain. Et extrêmement difficiles. Je n’ai pas les solutions naturellement. Mais ces sujets là ils sont tectoniques.
Denoix de Saint Marc H. (lu par Piat J.), Que dire à un jeune de vingt ans, 1er janv. 2019, Secours de France
Quand on a connu du tout et le contraire de tout. Quand on a beaucoup vécu et qu’on est au soir de sa vie, que dire à un jeune de vingt ans. On est tenté de ne rien lui dire. Sachant qu’à chaque génération suffit sa peine. Sachant aussi que la recherche, le doute, les remises en cause font partie de la noblesse de l’existence.
Pourtant, je ne veux pas me dérober et, à ce jeune interlocuteur, me souvenant de ce qu’écrivait un auteur contemporain, je répondrai ceci : « il ne faut pas s’installer dans sa vérité et vouloir l’asséner comme une certitude, mais savoir l’offrir, en tremblant, comme un mystère ».
À mon jeune interlocuteur, je dirais donc que nous vivons une période difficile, où les bases de ce qu’on appelait la morale et qu’on appelle aujourd’hui l’étique, sont remises constamment en cause. En particulier dans les domaines de la vie : du don de la vie, de la manipulation de la vie, de l’interruption de la vie. Dans ces domaines, de terribles questions nous attendent, dans les décennies à venir.
Oui nous vivons une période difficile où l’individualisme, le profit, à n’importe quel prix, le matérialisme l’emportent sur les forces de l’esprit. Oui nous vivons une période difficile où il est toujours question de droits et rarement de devoirs. Et où la responsabilité, qui est le poids de tout destin, tend à être occultée.
Mais, malgré tout cela, je dirais à mon jeune interlocuteur qu’il faut croire à la grandeur de l’aventure humaine. Qu’il faut savoir, jusqu’au dernier jour, jusqu’à la dernière heure, rouler son propre rocher. Il faut savoir que le métier d’Homme est un rude métier. Il faut savoir que rien n’est sûr, que rien n’est facile, que rien n’est donné, que rien n’est gratuit. Il faut savoir que tout se conquiert, que tout se mérite et que, si rien n’est sacrifié, rien n’est obtenu.
Je dirais à mon jeune interlocuteur que, pour ma très modeste part, je crois que la vie est un don de Dieu et qu’il faut savoir découvrir, au-delà de ce qui apparaît comme l’absurdité du monde, une signification à notre existence. Je lui dirai qu’il faut savoir trouver, à travers les difficultés et les épreuves, cette générosité, cette noblesse, cette miraculeuse, cette mystérieuse beauté éparse à travers le monde.
Je lui dirai qu’il faut savoir découvrir ces étoiles qui nous guident, où nous sommes plongés au plus profond de la nuit et le tremblement sacré des choses invisibles.
Je lui dirai que tout être humain est une exception, qu’il a sa propre dignité et qu’il faut savoir respecter cette dignité. Et puis je lui dirais aussi, qu’envers et contre tous, il faut croire en son pays et en son avenir.
Enfin, je lui dirai que, de toutes les vertus, la plus importante, parce qu’elle est la motrice de toutes les autres et qu’elle est nécessaire à l’exercice des autres, oui de toutes les vertus, la plus importante me paraît être le courage, les courages. Et surtout celui dont on ne parle pas et qui consiste à être fidèle à ses rêves de jeunesse. Et pratiquer ce courage, ces courages, c’est peut-être cela, l’honneur de vivre.
Malhuret C., Débat après la déclaration du Gouvernement en application de l'article 50-1 de la Constitution portant sur la fiscalité écologique et ses conséquences sur le pouvoir d'achat, 6 déc. 2018, Assemblée nationale
Monsieur le Président,
Monsieur le Premier Ministre, Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mes Chers collègues,
La France est le plus révolutionnaire des pays conservateurs. Et la crise politique et sociale qui nous guette depuis trente ans est arrivée. Cette colère, tous autant que nous sommes, nous l’avons sentie venir, dans nos campagnes, dans nos quartiers, dans nos territoires. Et pourtant, année après année nous n’avons pas su relever le défi. Par lâcheté peut-être, par faiblesse sûrement, par renoncement c’est certain. Nous n’avons pas réformé alors que tous les autres autour de nous réformaient. Et en punition nous avons eu le pire des deux mondes : plus de dépenses publiques et moins de service public, plus de dette et moins de justice, plus de mots et moins d’actes.
Les évènements nous mettent au pied du mur. Est-ce que nous allons sortir de cette crise, comme de tant d’autres auparavant, avec un rafistolage qui ne changera rien ou est-ce que nous allons enfin profiter de cet électrochoc pour poser enfin, et résoudre, le sujet essentiel, soigneusement mis de côté depuis des années ? Est-ce que nous allons continuer la politique du chien crevé au fil de l’eau de toujours plus de taxes et toujours plus de dépenses ou est-ce que nous allons enfin parvenir, dans notre pays recordman du monde de la fiscalité, à faire ce que plusieurs de nos voisins ont réussi : l’optimisation et la rénovation profonde de la dépense publique et des services publics, seul moyen de parvenir à la baisse des impôts, donc à la hausse du pouvoir d’achat ?
Ce défi concerne le Gouvernement comme le Parlement.
Le gouvernement tout d’abord. Cette grande consultation que vous annoncez, Monsieur le Premier Ministre, vous devez vous assurer qu’elle sera suivie d’effets. Si ce Grenelle de la fiscalité et de la transition écologique devait déboucher sur l’application de la formule de Queuille : « La politique ce n’est pas de résoudre les problèmes, c’est de faire taire ceux qui les posent. », si elle devait consister à noyer le poisson, à mettre la tête dans le sable en attendant des jours meilleurs, alors la colère d’aujourd’hui ne sera rien en comparaison avec celle qui saisira les français qui depuis longtemps n’en peuvent plus des autruches.
Si au contraire vous saisissez cette occasion que l’histoire vous présente, alors peut-être avez-vous une chance, dans des conditions difficiles, de réformer vraiment ce pays qui crève de ne pas avoir été réformé.
Quant à nous parlementaires, notre responsabilité n’est pas moindre. Si notre participation au débat n’est que l’occasion, comme je l’ai déjà entendu depuis plusieurs jours, de propositions démagogiques et contradictoires, du genre baisse des impôts, couplées à une augmentation des dépenses, ce qui revient à essayer de soulever un seau alors qu’on a les deux pieds dedans, s’il s’agit seulement de demander la démission du Président de la République depuis un trottoir des Champs-Elysées ou la dissolution de l’Assemblée Nationale par ceux qui rêvent d’un grand soir en croyant qu’ils ont rendez-vous avec l’histoire alors qu’ils n’ont rendez-vous qu’avec le journal de TF1, je ne crois pas que les français nous pardonneraient de prendre en otage nos institutions et d’aboutir à un nouveau quinquennat pour rien.
Mais dans tous les cas il y a une responsabilité que gouvernement et parlement partagent. C’est celle de retrouver leurs prérogatives. Chacun a le droit d’aimer ou de ne pas aimer les gilets jaunes. Chacun a le droit de soutenir leurs revendications ou de les trouver confuses et irréalisables. Chacun a le droit de penser qu’on peut bloquer les routes ou, comme c’est mon cas, d’être allergique aux atteintes à la liberté d’aller et venir. Mais à la fin des fins, dans une démocratie représentative, la loi se fait au Parlement et pas sur les ronds-points. Pour les mêmes raisons que dans une démocratie il est préférablede mettre des bulletins dans les urnes que des pierres dans les vitrines.
Pourquoi est-ce que je dis ça ? Parce que je voudrais que dans cet hémicycle, nous nous interrogions avec gravité, mes chers collègues, sur le fait que l’une des premières revendications du mouvement actuel, nous l’avons tous entendu, c’était la suppression du Sénat. Est-ce que nous allons, nous, ici, nous taire là-dessus ? Est-ce que nous ne voyons pas ce que ça signifie ? La réalité c’est que nous sommes pris entre deux feux : d’un côté un Président de la République qui, dans son obsession de la verticalité, a cru qu’il pouvait enjamber les corps intermédiaires, les parlementaires, les élus locaux, et qui se retrouve aujourd’hui logiquement, ayant fait le vide de ses interlocuteurs institutionnels, en confrontation directe avec une base radicalisée. De l’autre côté un mouvement qui pense que sans aucune organisation et grâce à Facebook on peut se passer de la représentation nationale, voire demander sa disparition. Ce que nous savons, nous, c’est qu’un pays ne peut se diriger par les réseaux sociaux. Que, chaque jour un peu plus, ces réseaux sociaux sont envahis de fake news et de bullshit. Que chaque jour un peu plus, leur devise semble être : « Je hais donc je suis ». Ce que nous savons c’est qu’une situation dans laquelle une base radicalisée s’oppose sans aucun intermédiaire au gouvernement et au Président, au point qu’un de ses leaders n’a pas hésité hier à appeler à envahir l’Elysée samedi prochain, qu’une telle situation ne peut se terminer que de deux manières : soit l’insurrection, soit en cas de pourrissement la dispersion d’un mouvement et l’oubli de ses objectifs dont il ne resterait pas plus que ce qui reste d’un moineau ayant traversé un ventilateur.
S’il y a une chose que nous devons rappeler aujourd’hui, ici, dans cet hémicycle, que nous devons rappeler au Président de la République comme aux gilets jaunes, c’est que la dernière chose dont la France a besoin c’est l’affaiblissement du Sénat et plus généralement de tous les corps que l’on appelle à tort intermédiaires et que l’on ferait mieux d’appeler indispensables car ils constituent la colonne vertébrale du pays.
Il me reste un dernier sujet à évoquer : celui des violences, car la crainte de ce qui pourrait se passer samedi prochain est en train de devenir la préoccupation majeure. Ces violences ne sont pas seulement graves en elles-mêmes. Elles sont graves par leurs conséquences sur ceux que les casseurs prétendent défendre, ceux qui travaillent dans les commerces ou les entreprises détruits et qui ont les mêmes problèmes de fin de mois que les autres. Elles sont graves pour l’image de la France à l’étranger qui est, une fois encore, en train de plonger. Elles sont graves enfin par le lieu choisi. L’Arc de Triomphe, comme l’Assemblée, le Sénat, la Concorde, ce sont les lieux emblématiques de l’histoire de France, ce sont les symboles de la mère-patrie. Taguer l’Arc de Triomphe, casser ses bas-reliefs, dévaster son intérieur, c’est comme donner une gifle à sa mère. Ceux qui sont capables de faire ça, et je ne les confonds pas bien sûr avec l’ensemble des gilets jaunes, ne sont pas seulement des casseurs, ils ne dégradent pas seulement un monument, ils dégradent notre identité nationale.
C’est la raison pour laquelle appeler à une nouvelle manifestation à Paris samedi, dans les mêmes conditions d’impréparation et d’irresponsabilité que celle de samedi dernier, c’est prendre une lourde responsabilité.
Il y aura, en face des manifestants, ceux qui sont eux aussi le rempart de notre identité nationale et de notre sécurité. Les forces de l’ordre, dont je voudrais à mon tour saluer, après le 1er Ministre, le courage dans des circonstances particulièrement difficiles, alors même qu’elles sont depuis trois ans constamment sur la brèche dans la lutte contre le terrorisme.
Mes chers collègues, dans ce moment crucial, je souhaite que nous puissions faire preuve du même courage. D’abord le courage des mots, le courage de dire la vérité aux français, la vérité sur l’état de nos finances publiques, sur nos choix de société et sur l’avenir de la planète. Ensuite, le courage des actes, celui de prendre les décisions difficiles dont le pays et les français ont besoin. C’est notre mission aujourd’hui. Je vous remercie.
M. Charles Gave, Politique et économie, 8 avril 2018, TV Libertés
Le drame de la France, si vous me permettez - j’ai écris quelques articles là-dessus aussi dans le temps, en particulier en anglais pour expliquer à mes clients dans le monde entier ce qu’était la France - la France fait deux erreurs logiques absolument incroyables.
La première, c'est de penser que ceux qui ont fait les meilleures études sont les plus intelligents. C'est pas vrai du tout… [Journaliste : Mais c’est très difficile à faire admettre !] C’est très difficile à faire admettre, mais quand j'étais dans mon université aux États-Unis, j’avais un professeur que j’aimais beaucoup, qui nous avait un jour posé la question : « Pourquoi croyez-vous qu'on cherche à vous embaucher ? ». Vous savez j’étais dans une business school. [Journaliste : Oui]. Et on avait tous dit : mais il est idiot ce gars là, quoi. On cherche à nous embaucher parce qu’on est les meilleurs. M’enfin voyez. On pensait que… c’était évident.
Et il nous a dit : « Non pas du tout. C’est (que) vous avez suivi des études, vous avez suivi des études - j’avais 27/28/29 ans - et donc ça montre que vous avez aucun caractère. Si vous aviez eu le moindre caractère, y’a longtemps que vous auriez créé votre entreprise. Et donc, vous avez montré que vous étiez capable de répéter ce que vous disent les professeurs et c’est ce qu’on appelle l’intelligence. Mais ça n’a rien à voir avec l’intelligence, dans la vie de tous les jours. C'est comme les officiers d’état-major. Si vous voulez. Gamelin qui a ruiné la… qui a foutu la France en l’air, il était sorti premier de Saint-Cyr. Et premier de l’école de guerre. N’empêche qu'il a foutu la France en l’air. Donc première erreur : intelligence égale études. C’est pas vrai.
Deuxième erreur, c'est de penser que, parce que vous avez fait les meilleures études, vous êtes à même de prendre des décisions. Y’a aucun rapport entre les deux. [Journaliste : Y’a pas de rapport, en effet.] Y’a pas de rapport entre les deux. Donc, à partir de ces deux erreurs, on a bâti un système d’éducation qui célèb... qui fait monter les gars qui ont une mémoire de cheval et qui ont aucun caractère. C’est les deux caractéristiques des élites françaises. [Journaliste : C’est terrible, quand je vous entend évoquer « mémoire de cheval et aucun caractère », je pense à Bruno Le Maire. C’est plus fort que moi.] Mais exactement ! [Journaliste : c’est tout à fait lui (rire).] Cet homme qui viens de nous expliquer qu’il va réformer les entreprises françaises, alors qu’il est incapable de gérer son compte en banque quoi.
Amiral Joire-Noulens A., Extrait de la visite d’adieu à l’École navale et au Groupe-École du Poulmic, 29 juin 1976, Marine nationale
Votre grade, vos fonctions, vos connaissances, vont vous donner autorité sur des Hommes. Cette autorité vous avez non seulement le droit mais le devoir de l’exercer. Mais n’oubliez jamais qu’en tant qu’Hommes ils vous valent.
Vous vous trouverez dans des circonstances où il s’agit de punir. Vous devez le faire, mais considérez le fait d’y être conduit comme un échec personnel. Vous admirerez des chefs qui se font aisément obéir, et sont estimés de tous. Certains sont familiers et truculents, d’autres d’une froideur distante. N’imitez pas le comportement : les subordonnés, même les plus humbles, sentent la fausseté d’une attitude factice, et y sont sensibles.
Ne faites pas retomber sur vos subordonnés une mauvaise humeur qu’ils n’ont pas provoquée. Vous avez le droit à trois colères par an, dont deux simulées. Si vous savez déléguer à un personnel que vous avez bien formé, vous savez commander. Ne donnez jamais un ordre si vous n’avez pas à la fois la volonté et les moyens de le faire appliquer (le Code de la route est le modèle de ce qu’il ne faut pas faire !...). Ne laissez pas ignorer à un subordonné ce que vous pensez de ses actions : faites des observations, ou des compliments, quand il y a lieu.
Toutes les fois que cela est possible, expliquez à vos subordonnés les raisons de vos décisions ; connaissant votre mécanisme de pensée, ils réagiront, si vous êtes empêché, comme vous l’auriez fait. L’indiscipline suprême consiste à exécuter un ordre sans avoir, au préalable, exposé à vos chefs, s’il n’y a pas d’urgence, les faits et les arguments qui, à votre avis, leur ont échappé. Si, après vous avoir entendu, ils maintiennent leur ordre, vous devez, bien entendu, l’exécuter sans réticence.
Il est deux attitudes quand à la confiance à accorder à ses subordonnés : la leur donner à priori, quitte à la leur ôter s’ils ne s’en montrent pas dignes, ou bien attendre de les connaître pour la leur accorder. Cette dernière est mauvaise car la défiance engendre la défiance et vous ne sortirez pas de ce cercle vicieux.
Quand vous avez laissé un temps raisonnable pour exécuter un ordre, n’acceptez jamais l’excuse : « Je n’ai pas eu le temps ! ». C’est une insolence, car cela signifie qu’il a jugé plus intéressant d’employer son temps à d’autres tâches que celles que vous lui aviez ordonnées. Si vous savez exécuter une tâche vite et bien, faites-la exécuter par un subordonné. Vous perdrez du temps au début mais vous en gagnerez beaucoup par la suite.